Mesdames, Messieurs, chers Amis,
C’est pour moi un moment très émouvant aujourd’hui car, en effet, il est
difficile de raconter son histoire personnelle devant un auditoire aussi
nombreux. C'est pourquoi je vous remercie par avance de votre indulgence, car
cela m'aidera beaucoup à surmonter mon trac.
Introduction
Il y a 10 ans, j'ai été confronté à un événement banal qui m'a amené à vivre
une histoire extraordinaire en me faisant basculer dans un autre monde. Vous
allez certainement me trouver bien prétentieux de prendre ainsi la parole pour
vous raconter mon histoire mais, c'est bien parce que celle-ci peut arriver à
chacun d’entre vous qu'elle vous concerne et m'autorise à vous la conter.
Il était une fois … un homme
Il était une fois, le 18 août 1996. Ce jour-là, j’ai été victime d'un
accident de la circulation. Après une très belle journée passée en famille avec
des amis au bord du lac d’Aiguebelette, près de Chambéry, il était prévu que
j'accompagne mon ami Pascal au départ des parapentes, sur la montagne de
l'Epine, afin qu'il puisse survoler ce lieu féerique.
Je l'ai aidé à prendre son envol puis j'ai repris ma moto pour que l'on
puisse se retrouver au terrain d'atterrissage des ailes volantes.
Au quatrième virage, un malaise m'a fait perdre le contrôle de ma machine et
j'ai terminé ma course dans un chemin forestier encombré de pierres. Quelques
instants plus tard, je revenais à moi, gisant face contre terre. Je ne pouvais
plus bouger bras et jambes, il m'était difficile de respirer.
Ce fut, alors, l'attente. J'étais confiant car, j'entendais quelques
véhicules passer sur la route. J'ai crié pour tenter de me manifester,
cependant, aucun d'entre eux ne s'est arrêté. Le bruit des moteurs couvrait
celui de ma voix. Avec l'arrivée de la nuit, j'ai commencé à avoir peur. À ce
moment, j'ai compris qu’il me faudrait lutter très fort pour rester en vie
jusqu'au lendemain matin. J'ai dû gérer mon angoisse, mon stress, la peur de ce
qui m'arrivait et le froid, en me calmant au mieux pour me mettre en veille et
m'économiser pour rester en vie.
J’ai cru que le moment était venu de mourir mais, je n’ai pu m’y résoudre.
Qu’allaient devenir Laurence, notre fils Guillaume et le futur bébé ? Quel
serait leur devenir si je n’étais plus là ? Quelle perception allaient-ils
avoir de mon départ ? Comment leur dire encore que je les aime ? Quel
souvenir allais-je leur laisser ? Quelle opinion allaient-ils se faire de
ma disparition ? Fuite devant mes responsabilités ? Suicide ?
Accident fortuit ? Quel signe faire ou laisser pour que la vérité soit
incontestable ? Comment pourrais-je, Laurence, te faire part de ma
détermination, de ma lutte et de mon combat, jusqu’à mon dernier souffle, pour
rester en vie.
Je suis alors entré dans une espèce d’état second, tout en conservant cette
forme de vigilance qui s'avérera déterminante dans ma survie. Les derniers
moments de l’aube s’écoulèrent. De toute façon, je n’avais plus la notion du
temps.
La lumière du jour apparut avec le lever du soleil.
Il m’a semblé distinguer un visage au-dessus de moi. Je me suis laissé aller
à mon épuisement. Par là même, j’ai confié mon sort à ce visage. J'ai été
retrouvé près de 12 heures après mon accident. Je crois pouvoir vous dire que
j'étais un homme heureux. Comblé sans le savoir vraiment, comme beaucoup
d’entre nous. Passionné dans tout ce j’entreprenais, ma vie était belle, ma vie
était pleine, ma vie allait vite.
J’étais un homme d’action, un homme de décision, un homme de conviction et
un homme de position. Pas vraiment le temps de sortir de mes rails ni de
regarder les autres, bref ma vie était bien remplie. Je le ressentais jusque
dans mes tripes, ce bonheur. Comment vous expliquer que je me sentais, en
quelque sorte, invincible, intouchable, inattaquable dans ma sérénité. J’aimais
ma femme, j’aimais celui que nous appelions notre « bébé chou », j’aimais
mon travail et ma vie de tous les jours. J’aimais mon engagement dans la vie.
Ma force de vie était incroyable. Tout m’était envisageable et me paraissait
accessible. Je crois que l’on enviait mon enthousiasme, ma foi en l’homme, ma
foi en l’avenir et ma foi en la vie. Mes fils, j’espère être capable de vous
transmettre cette énergie et cette foi. Lorsque ceci sera achevé, j’aurai, je
crois, accompli mon rôle de père.
Un peu plus tard, je me suis réveillé dans une chambre d'hôpital. Petit à
petit, je reconstituai ce qui s'était déroulé. J’étais extrêmement fatigué.
J’ai commencé, alors, à reconnaître les miens qui venaient me rendre visite.
C'était encore si confus dans ma tête.
Mes périodes d'éveil deviennent de plus en plus longues. C'est la cinquième
vertèbre cervicale qui s'est brisée lors de l'accident. Elle a provoqué une
importante lésion de la moelle épinière entraînant ma tétraplégie. Je suis un
survivant en état de mort imminente. La situation est tellement grave que je
suis transféré à l'hôpital de la Croix Rousse à Lyon où il y a un service
spécialisé très pointu pour les détresses respiratoires. J’y fais la
connaissance de Bernard, kinésithérapeute, qui m’y prend en charge. Ce grand
gaillard extraordinaire va permettre mon rétablissement physique. En cette fin
d'année 1996, il va s'opposer aux médecins qui veulent m'opérer pour enlever la
base de mon poumon gauche. Après trois semaines de travail acharné, j’ai enfin
pu respirer mieux et mon poumon a été sauvé. Avec lui, j'ai également appris à
m'asseoir dans mon lit, puis dans un fauteuil.
Cela va me permettre d'aller à la rencontre de mon fils Lucas qui est né le
13 janvier 1997. Fin mars, ma femme Laurence me quitte. C’est ma mère qui a
appris à Lucas à me dire « papa ». Puis, en avril, ce furent les
retrouvailles avec Guillaume. Moment ô combien émouvant. Au loin, il m’a
reconnu et s'est écrié : « papa, papa, papa ! »... J’étais
enveloppé dans un drap jaune pour cacher ce corps qui ne répondait plus. Nous
avons échangé un baiser. Quel bonheur !
J'avais emprunté un tunnel bien étroit et bien sombre, dont je ne voyais pas
l'issue, moi qui étais et suis toujours un claustrophobe avéré. Alors je
fermais les yeux pour fuir ce douloureux présent et j'imaginais un univers qui
me permette, en quelque sorte, de temporiser. Pour m'évader de toute cette
horreur, souvent la nuit, je reprenais la moto, le VTT, les escapades en
montagne ou bien les skis et je m'offrais des heures de bonheur. Elles en
étaient d'autant meilleures qu'elles étaient volées à un environnement
quotidien si difficile à supporter. Je rentrais, malgré moi, au petit matin et
j'avais bien souvent juste le temps de ranger mes affaires dans le placard
avant le passage de l'infirmière.
Je suis maintenant dans une réalité bien sévère et, je n'en n'imagine qu'un
morceau. Certes, le milieu clos de l'hôpital m'a protégé et c'était plus que
vraisemblablement nécessaire, mais quels manques cela a-t-il créés ? Il y
a des parenthèses forcées dont je me passerais bien volontiers. Je ne commence
pas encore à mesurer ce que je suis devenu.
À ce moment-là, je n'ai pas d'impression sur ce changement radical de ma vie
que représente ma tétraplégie : mon corps est simplement inerte et ne me
rappelle pas encore sa présence par d'insoutenables douleurs. Je suis à la fois
effrayé et curieux de cette nouvelle perception du monde. A ce moment-là, même
si je ne savais de quoi demain serait fait, je me doutais qu’il serait
nécessaire de produire un certain effort en me soumettant à un nouvel
apprentissage dont je n’imaginais, fort heureusement, ni la difficulté, ni la
durée. Cet effort allait être cependant nécessaire pour réintégrer une vie
ordinaire. Deux questions revenaient sans cesse à mon esprit : que vais-je
devenir, qui vais-je devenir ?
C’est complètement désemparé, angoissé et complètement déstructuré que j’ai
débuté mes entretiens avec Michelle, psychologue. Ma situation me demande trop
d'énergie et je n'en ai plus. Je n'ai pourtant pas envie de me laisser aller à
mourir mais je ne sais pas comment faire plus. Je suis au bout de quelque chose
et je ne vois pas ce qu'il peut y avoir après. Ce mélange de torture à la fois
physique et mentale est difficile, vraiment trop dur à vivre. Michelle a
commencé à m'aider à faire le tri dans tout ce que j'exprimais. Patiemment,
entretien après entretien, elle a pu commencer à me faire entrevoir qu'il
pouvait y avoir une issue au tunnel que j'avais emprunté.
Je crois, en fait, qu’il faut réussir une espèce d’alchimie entre l’espoir
et la vision d’un retour à la vie ordinaire. C’est ce à quoi il m’a fallu
parvenir pour me remobiliser sur un nouveau projet de vie. Même si cela paraît
très simple de faire germer l'idée d'un espoir de retour à la vie ordinaire, il
faut cependant tout le talent d’une personne de métier et d’expérience, certes,
mais également dotée d’une personnalité exceptionnelle.
Après avoir vécu treize mois dans des services de réanimation et de soins
intensifs, ce fut le moment du départ vers le centre de réadaptation de Sainte
Foy l’Argentière. Même si Bernard, ce si merveilleux kiné qui avait cru en moi
depuis le départ, en raison du cri, de la main tendue, de l’appel, de la
souffrance, de la volonté… au fond de mon regard, m’avait affûté pour que je
sois prêt à y bondir hors des starting-blocks, c’était une étape périlleuse, en
raison de ma grande fragilité pulmonaire. Je découvrais une autre vie. J’étais
moins souvent alité. En plus des activités avec les kinés, j’ai commencé à en
pratiquer d’autres avec un ergothérapeute. C’est ainsi que l’on me présenta un
ordinateur. J’ai écrit ma première lettre en cette fin d’année 1997. Le médecin
qui s’occupait de moi me fit rentrer « chez moi » pour Noël. Ce fut
une catastrophe. Les deux heures et demie de voyage ont eu raison de mes
forces. J’étais épuisé. Ces deux jours et demi ont été un calvaire tant pour
les miens que pour moi. J’avais perdu ma place visible, apparente, ordinaire,
ou tout simplement physique, au sein de ma maison. J’étais réduit à mon rôle de
blessé, celui qui est à l’hôpital mais qui n’est plus à la maison. D’ailleurs
ai-je reconnu vraiment ces murs qui m’avaient fait tant transpirer ?
En juin 1998 on me découvre une fistule entre œsophage et trachée. C’est le
passage, maintes fois répété des sondes d’aspiration qui a provoqué cette
lésion. Ce fut le retour dans un service de réanimation où l’on annonça, à mon
entourage ma fin imminente et inéluctable. Ce fut alors le défilé de ma famille
et de mes proches. Contre toute attente, j’intégrai le centre de réadaptation
Mangini à Hauteville sur Lompnes, trois mois plus tard. J’ai recommencé à
m’alimenter au début de l’année 1999. J’étais, durant cette période, à nouveau
nourri par une machine. J’ai beaucoup travaillé avec kinés et ergos. Je
préparais ma sortie. Mes parents ont fait un boulot fantastique. Le 1er avril
je me suis fait opérer pour fermer le trou béant laissé par l’enlèvement de ma
canule en ce début d’année. Je retrouvai ma voix, ma vraie voix comme avant. Le
26 mai fut l’occasion de mon premier repas au restaurant. J’avais organisé
cette petite fête pour remercier les kinés et les ergos.
Durant l’été, j’ai séjourné trois semaines dans notre maison de Loisieux, en
Savoie.
Après l’espoir suscité par les résultats encourageants d’un travail acharné
et forcené, guidé par Michelle et Bernard, à l’hôpital de la Croix Rousse, je
sombre dans le plus profond des désespoirs lors de mon passage obligé dans ces
deux centres de réadaptation. Putain de vie collective dans ces rafiots
rassemblant des gens cassés, paniqués, broyés, perdus, usés, désabusés, repliés
sur eux-mêmes et attendant désespérément un lendemain qui chante ou, parfois,
n’attendant même plus rien. Personne, non, personne ne peut imaginer ni la
souffrance ni la désespérance de la vie à bord de ces navires. Quelle
tristesse ! Nous sommes tous plongés dans notre individualité de douleur,
de solitude, de souffrance, de remise en question et de manque affectif. C’est
le radeau de la Méduse à l’échelle d’une Société et non plus à celle d’un
trois-mâts.
Devenir tétraplégique m’aurait été tellement moins difficile s’il n’y avait
eu ce passage obligé dans ces établissements où j’ai été contraint d’attendre
le rythme des autres pour apprendre à mener une parodie de vie au rabais, pris
au piège de ma dépendance. Nous y étions à l’abri de cette Société à laquelle
nous appartenions tous et dont nous sommes maintenant exclus. Nous connaissons
tous le précieux adage : pour vivre heureux, vivons cachés. Mais lorsque
l’on devient handicapé, c’est la Société qui nous cache pour ne pas avoir sous
ses yeux ces exclus que nous sommes devenus et qu’elle a produit.
Toujours faire la queue, attendre, attendre encore. Pourquoi le personnel
est-il toujours si peu nombreux. C’est encore une question de rentabilité. Je
joue ma vie en tentant de construire un « après » et l’on m’oppose
une notion de rentabilité.
Lorsque l'homme devient « patient », pourquoi les structures de soins
ou assimilées lui imposent-elles une vie encore plus au rabais chaque week-end
sous le délicieux prétexte qu'il s'agit d'un week-end et que le week-end, il y
a moins de personnel ?
Même si je m’étais battu comme un forcené pour ne pas mourir la nuit de
l’accident, si l’on m’avait raconté alors la difficulté et la longueur de mon
parcours de rétablissement, je ne sais si je n’aurais pas alors été tenté par
le chant des sirènes ? Aurait-on pu alors m’en vouloir de choisir la voie
de la facilité ? Mais, est-ce facile de décider de mourir ? Même
quand tout semble perdu ? N’est-ce pas manquer, momentanément alors, d’une
partie de ses capacités de distinction car un raisonnement d’homme permet-il
d’accéder volontairement à la mort ?
Je me pose, aujourd’hui, toujours la question sans parvenir vraiment à y
répondre. Peut-être puis-je comprendre des personnes très âgées, qui, trop en
décalage avec la vie préfèrent partir de leur propre volonté car ce n’est pas
facile de vivre à côté de notre Société. J’en veux pour preuve la quantité
d’efforts à fournir pour y refaire sa place en tant que personne handicapée. Je
comprends aussi des personnes comme Vincent Humbert. Quel type d’espoir de vie
aurait-il pu avoir ? Sous condition d’une vision d’un « après
l’accident », la vie, même mutilée, peut s’imaginer et se construire. Après,
seulement après, je me suis rendu compte qu’elle valait le coup d’être vécue.
Cependant, il persiste des jours bien difficiles où l’horizon se bouche de
façon inquiétante. Alors, affronter ou ne pas affronter, est-ce alors le vrai
courage ou une simple faiblesse plus ou moins consciente ? Non, la vie ne
doit pas se réduire à un épisode de consommation entre une naissance trop
souvent mise en scène, et une fin programmée.
J'ai commencé à préparer mon retour à la vie ordinaire dès le début de
l'année 1999. C'est comme cela que j'ai découvert que l'informatique serait un
moyen indispensable à une personne handicapée comme moi.
Le 3 novembre je suis arrivé à Poitiers après une heure de vol depuis Lyon.
J'ai pu alors découvrir l'appartement que mes parents avaient longuement
cherché, puis déniché pour moi. C'était un petit trois pièces. Dans la première
chambre il y a un lit médicalisé. Dans la seconde un matelas par terre pour
l’auxiliaire de vie, dans la cuisine le vieux réfrigérateur laissé par la
propriétaire précédente et le camping gaz que mes parents me prêtaient. Pour
finir, dans le séjour, mon ordinateur, mon canapé et un tas de cartons dans
lesquels avaient été entassées mes affaires personnelles. C'est dans ce
contexte matériel que je vais reprendre le cours de ma vie, à trente-sept
ans.
Maintenant mon état de santé est très satisfaisant. Mille fois merci à
celles et ceux qui m’ont permis d’être là aujourd’hui.
Cet évènement m’a beaucoup fatigué physiquement. Le fait de perdre mon
corps, même s’il m’a transformé, ne fait pas de moi un « sous-homme », ni
pour autant un « surhomme ». Aujourd’hui je me pose encore beaucoup de
questions. Je revendique mon statut d’homme et non pas celui d’une personne
dite en situation de handicap. On dit de moi que j’ai réussi mon « come
back ». Pour moi, il ne pouvait en être autrement.
J'ai envie de tout. J’ai envie de rattraper le temps perdu. Je suis à
nouveau gourmand de la vie. Cependant, l’horloge de ma vie tourne bien trop
rapidement.
Ce que je vis depuis dix ans maintenant, me donne à comprendre beaucoup de
choses sur le fonctionnement de notre Société qui, insuffisamment adaptée, me
renvoie à un statut d’handicapé devant adopter une vie au rabais. Je me bats de
toutes mes forces pour ne pas la quitter, pour qu’elle ne me lâche pas, pour
que nous gardions, elle et moi un lien acceptable.
Dans cette aventure étonnante j’ai rencontré des facteurs aidant et des
obstacles.
Des facteurs aidant, il faut en parler parce que c’est d’abord en soulignant
ce qui est positif que l’on se donne des chances de le développer. Ce sont des
personnes, des orfèvres de la relation, des artistes dans la mise en œuvre de
leurs techniques chirurgicales, infirmières, de kinésithérapie, etc. C’est une
psychothérapeute respectueuse, attentive et réconfortante. Ce sont mes parents
qui ont forcément eu d’extrêmes difficultés à accepter la situation mais, qui
ont, finalement, su nouer avec moi la relation qu’il fallait construire. Ce
sont des systèmes qui fonctionnent bien, bien pensés et bien mis en œuvre par
des hommes et des femmes de bonne volonté, ex : la SNCF, les Maisons
Départementales des Personnes Handicapées, la loi du 11 février 2005…
Des obstacles, il faut en parler même si l’on se sent parfois tellement
démuni devant l’imbécillité de certains comportements et de certains
fonctionnements. Je ne m’étendrai pas sur la maltraitance générée par des
individus car il y a des personnes compétentes comme les juges, pour
sanctionner par des condamnations les responsables de ces actes inadmissibles
mais je voudrais soulever d’autres aspects plus cachés de maltraitance. Ceux de
systèmes ou d’organisations qui l’engendrent. Bien sûr, il n’y a aucune volonté
personnelle particulière de nuire ou de persécuter mais on aboutit à la
maltraitance par un enchaînement de circonstances. Je prendrai trois
exemples.
Le premier dont je vous parlais précédemment, celui des structures ou
établissements qui accueillent des personnes affaiblies ou en soin et qui leur
imposent une vie au rabais le week-end en raison du fait que c’est le week-end
et qu’il y a donc moins de personnel. Le second concerne les obstacles d’ordre
financier. Qui pourrait les accepter comme déterminants d’une capacité à vivre
autonome, même si cela s’améliore peu à peu
Enfin, les obstacles juridiques : le Code du Travail n’est pas vraiment
adapté aux personnes handicapées désirant vivre de façon autonome
Comment s’insérer dans une Société avec laquelle on vit en décalage
permanent ?
Les contraintes, les horaires, l’organisation des services, tout est fait
pour vous conduire à renoncer à vivre chez vous… Comme si la seule place
convenable pour une personne handicapée était en établissement : vous
arrivez là et tout est fait pour vous fondre dans un collectif institutionnel
indifférencié… pour que vous soyez oublié ?
L’entrée en collectivité correspond à une dépersonnalisation de l’individu
que l’on est et dont on oublie qu’il a été ! Par peur peut-être. On
devient souvent la pathologie de la chambre n° X.
Pourtant les personnes qui mettent cela en œuvre ne sont pas a priori
mauvaises. Il peut y avoir ici et là, un sadique un peu tortionnaire mais, dans
l’ensemble, il s’agit de gens qui sont eux-mêmes pris dans ces systèmes fous et
qui en sont malheureux dès qu’ils se rendent compte des problèmes qu’engendrent
ces fonctionnements …
En conclusion, et celle-ci sera brève :
Nous devons réfléchir à ces « systèmes et fonctionnements »
insatisfaisants pour permettre aux personnes handicapées un véritable choix de
vie. C’est notre devoir d’homme pour ceux qui revendiquent leur condition
d’homme.
Comment, dans notre Société, accueillons-nous aujourd'hui la
différence ? Vraisemblablement mal. Pourtant, celle-ci peut nous toucher
dans nos vies à n'importe quel moment. Je serais heureux que mon exposé nous
permette de revenir, sous un angle nouveau, sur ce sujet afin de mieux ouvrir
notre coeur à la différence.
Sachons écouter, voir, sentir, toucher, penser, analyser, réfléchir, puis
parler avec notre cœur. Sachons nous respecter et nous aimer les uns les
autres.
Je vous remercie de votre écoute et de votre attention. ///