Un nouveau projet extravagant : la paire émulation !

Venant de recevoir un courrier m'annonçant le démarrage d'un nouveau projet révolutionnaire et ambitieux, intitulé « paire émulation », qui va enfin être « La Solution » pour la réinsertion sociale des personnes handicapées, ma curiosité, aiguisée par l'effet d'annonce, me fit prêter grande attention à son contenu.

Ainsi, une personne en situation de handicap ayant réussi sa réinsertion sociale allait pouvoir devenir « paire émulateur » pour « paire émuler » une autre personne en situation de handicap le « paire émulé » ou « paire émulationné » et lui transmettre le savoir-faire de sa réussite de réintégration sociale.

Sur le fond, l'idée est louable.

Sur le principe et sur la forme il en est tout autre.

En effet, comment une personne qui est encore en situation de handicap va-t-elle pouvoir être disponible, sur tous les plans psychique, mental, psychologique et physique pour être capable d'accompagner une autre personne en situation de handicap sur le chemin de la réintégration sociale ?

La définition du mot situation donnée dans le Petit Larousse 2007 indique :

  1. État fonction de quelqu'un ou de quelque chose dans un groupe : place, rang.
  2. États caractéristiques issus d'une action ou d'un événement et que traduisent un ou plusieurs personnages d'un récit d'une pièce.

Lorsqu'elle est appliquée au handicap, le mot situation ajoute une notion de dévalorisation par le fait de classer la personne handicapée au sein de la société en lui faisant endosser un rôle précis d'une personne qui est simplement différente.

Il eût été beaucoup plus judicieux de parler d'une personne handicapée comme d'une personne qui présente un handicap. Une personne est suffisamment dans le pétrin lorsqu'elle devient handicapée. D'ailleurs, les Nations Unies ont retenu le vocable « personne handicapée » en reconnaissant que la notion de handicap évolue et que le handicap résulte de l’interaction entre des personnes présentant des incapacités et les barrières comportementales et environnementales.

Porter un handicap est un fardeau qui reste toujours trop lourd à porter même si le chemin personnel parcouru permet d'être devenu une personne présentant un handicap. Alors, être disponible pour aider une autre personne qui est encore en situation de handicap implique des vertus exceptionnelles.

Ce type de projet, imaginé et présenté par des personnes valides ou tout simplement ordinaires (sans péjoration aucune) montre ses limites dans la représentation des personnes handicapées. De plus, ce discours à une touche moraliste en raison du fait qu'il impose, en quelque sorte, à une personne handicapée de se préoccuper du sort des autres personnes handicapées. Depuis quand un humain valide ou ordinaire se préoccupe-t-il du sort de ses confrères ? Dans ce cas, par exemple, pourquoi y a-t-il encore des gens qui crèvent de faim ?

Merci mesdames et messieurs qui vous préoccupez si bien de notre sort. Je crois qu'il est temps de créer une autre catégorie de handicap, celui de la bêtise. Mais je crains que celle-ci n'englobe trop de personnes car elle masquerait les vraies personnes handicapées, qui elles, ont vraiment besoin d'aide. Et dire que des subventions vont être débloquées pour ce projet ! Décidément, il n'y a pas de prix pour réinventer le fil à couper le beurre…

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