2009 avr. 12

Colloque des AMP (aides médicaux psychologiques) organisé par l'IRTS Poitou-Charentes le 10 avril à Neuville du Poitou

Dépendance et Autonomie

(L’autonomie, c’est la faculté de décider pour soi-même s’agissant de sa propre vie, faculté hypertrophiée, dans mon cas par la lucidité acquise par le travail fait sur moi-même depuis la survenue de la tétraplégie).

À 34 ans, un accident de la circulation m’a fait devenir tétraplégique. Tétraplégique, mais pas à moitié, c’est-à-dire à hauteur de la cinquième cervicale, soit une blessure C5 suivant Frankel. En une fraction de seconde, je suis devenu un être immobile, ne disposant plus de mes membres, ne disposant plus de mon corps et restreignant mes fonctions vitales essentielles comme par exemple ma respiration limitée au seul débattement de mon diaphragme. Par conséquent, je suis devenu un être dépendant, c’est-à-dire dépendant des autres pour tous les actes de la vie. Je ne peux satisfaire mes besoins naturels, mais je ne peux également ni me désaltérer ni m’alimenter. Imaginez alors pour le reste ! Pourtant, je mange, je bois, je dors…

Même si j’ai besoin d’un matelas spécifique pour préserver ma santé cutanée, je peux m’asseoir dans un fauteuil. Celui-ci est spécifique, bien sûr, pour pouvoir assurer le maintien de mon corps, ce que mes muscles ne permettent plus de faire. Ce fauteuil me permet de me déplacer chez moi, mais aussi à l’extérieur. C’est aussi le lien physique qui me permet de maintenir un contact avec notre société.

Lorsque je suis assisté par une personne compétente, ma dépendance s’efface. En effet, tout ce que mon corps ne me permet pas, cette personne auxiliaire le fera à ma place. Grâce à elle, j’exerce mon autonomie parce qu’elle accompagne ma dépendance. Mon vécu, mon niveau socioculturel, mon statut d’homme, de père et de citoyen me donnent envie et me permettent de participer activement à notre société.

J’ai toujours envie de me lever le matin, je suis toujours curieux de l’instant à venir, je fais toujours plein de projets, je suis toujours heureux d’organiser et de construire, de voir mes projets arriver à terme. Aujourd’hui, je n’ai pas l’impression que mon immobilité physique modifie le cours de ma vie. Bien sûr cela la complique car notre société n’est pas adaptée aux personnes comme moi, mais mes capacités mentales me permettent de dépasser cela.

Vivre, c’est être autonome. C’est pouvoir à chaque instant prendre les décisions nécessaires au déroulement de sa vie dans les conditions que l’on s’est fixé. C’est pourquoi je ne mesure pas de différence entre ma vie d’avant l’accident et celle d’aujourd’hui. Cependant à une seule et unique condition : c’est de pouvoir bénéficier à chaque instant du concours d’une personne auxiliaire compétente. C’est à ce prix seulement que je peux devenir celui que j’ai envie d’être.

NB : aujourd’hui, je suis autonome car je suis indépendant de ma dépendance, et vous, vous êtes autonomes mais dépendants de votre indépendance.